Muriel Pénicaud vise le financement d'un million de formations par an via le CPF

Muriel Pénicaud vise le financement d'un million de formations par an via le CPF

16.03.2018

Gestion du personnel

Réforme de la formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'assurance chômage, égalité salariale, santé au travail... La ministre du travail est revenue sur l'ensemble des chantiers en cours lors d'un Grand rendez-vous organisé ce jeudi matin par l'Association des journalistes de l'information sociale.

La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a répondu ce jeudi matin aux questions des journalistes sociaux. Invitée par l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS), elle est revenue sur l'ensemble des sujets en cours de discussion : formation professionnelle, apprentissage, assurance chômage, égalité femmes hommes... Sans dévoiler le contenu du projet de loi sur "la liberté de choisir son avenir professionnel" qui sera présenté -selon nos informations - le 25 avril en Conseil des ministres, Muriel Pénicaud, a précisé quelques points en suspens de la réforme.

CPF : une valorisation à hauteur de 14,28 euros de l'heure

En premier lieu, la valeur tant attendue de l’unité de mesure du compte personnel de formation (CPF) qui basculera en euros (500 euros par an, plafonné à 5 000 euros au bout de 10 ans ; 800 et 8 000 euros pour les non qualifiés), à partir du 1er janvier 2019. La valorisation serait d’environ 14,28 euros par heure. "On a regardé le coût moyen de facturation de l’Afpa et du congé individuel de formation (CIF) qui s’élevait entre 12 euros et 13 euros de l’heure. On devrait être environ à 14,28 euros", a-t-elle déclaré. Si ce taux est supérieur au coût de prise en charge de la période de professionnalisation (fixé par le code du travail à 9,15 euros de l'heure), il est, dans certains cas, bien inférieur au financement de certains Opca qui caracolent à 50 euros de l'heure pour le CPF. "Personne ne perdra ses droits", a ajouté la ministre. Ceux qui ont atteint le plafond de 150 heures bénéficieront ainsi de 2 142 euros.

L’objectif est toutefois d’atteindre un million de formations par an via le CPF pour les salariés et les demandeurs d’emploi, contre 600 000 aujourd'hui. Le gouvernement ne s'est "pas encore" fixé "d'objectif quantitatif ferme". Néanmoins, les équipes de Muriel Pénicaud ont fait "une estimation de la montée en puissance" du dispositif.

Pour ce faire, la ministre compte s’appuyer sur les entreprises, et plus spécialement sur les abondements octroyés dans le cadre d’un co-investissement. La ministre reprend ici à son compte une disposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 22 février 2018, à savoir l’obligation pour une entreprise d’améliorer l’alimentation du CPF ou la prise en charge des salariés en formation, notamment en termes d’indemnisation et de rémunération, dès lors que le parcours de formation est co-construit avec le salarié.

En revanche, la ministre du travail a fermé la porte au crédit d’impôt formation, un dispositif revendiqué de longue date par la Fédération de la formation professionnelle (FFP),  à l’œuvre dans d’autres pays européens (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni…). Autrement dit, à la déduction d’une partie des frais de formation du résultat imposable d’une entreprise ou d’un actif qui investit dans la formation. "On ne peut pas avoir à la fois un système mutualisé comme il existe aujourd'hui et un dispositif de crédit d’impôt", a tranché la ministre.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Changement de modèle pour l'apprentissage : vers le "coût au contrat"

Sur le terrain de l’apprentissage, Muriel Pénicaud a défendu le changement de modèle, à savoir "le coût au contrat". Demain, le financement d’un centre de formation pour apprentis (CFA) ne dépendra plus d’une subvention globale versée par une région (quel que soit le nombre d’élèves) mais il sera déterminé en fonction du nombre de contrats signés avec des jeunes, dans une logique d’offre et de demande. "Chaque contrat signé entre une entreprise et un jeune sera financé", a-t-elle promis. Quitte à abonder davantage certains CFA ruraux ou situés dans les quartiers prioritaires délaissés. Une crainte mise en avant par Hervé Morin, président de l’Association des régions de France (ARF) au nom de l’équilibre territorial.

Reste également à attendre le débat parlementaire. Mais "s'il peut permettre quelques inflexions, a observé Muriel Pénicaud, l’ambition de la réforme ne peut pas changer : il faut rendre la formation plus égalitaire et accessible".

L'inspection du travail mobilisée sur la santé et la sécurité au travail et l'égalité salariale

D'autres évolutions sont à venir qui devraient mobiliser davantage l'inspection du travail. A cet égard, le nombre trop faible d’inspecteurs du travail n’est pas un sujet, selon la ministre. "La France est au-dessus des normes de l’OIT en matière de nombre. La clé se trouve dans l’intensification des contrôles – l’objectif est de deux contrôles par semaine et par inspecteur – et la hiérarchisation des priorités. Il existe quatre enjeux prioritaires fixés par la Direction générale du travail : la lutte contre le travail illégal, la lutte contre la fraude au travail détaché, l’égalité salariale hommes-femmes, la santé, la sécurité et les conditions de travail." S’agissant de ce dernier thème, la ministre a indiqué que les conclusions de la mission santé au travail, confiée à la députée Charlotte Lecocq, seront rendues fin mai ou début juin 2018. D’autre part, elle rappelle qu’une concertation a été lancée sur l’insertion des travailleurs handicapés afin de réformer le système actuel, trop peu efficace. "Les entreprises ont une obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, et nous n'en sommes qu'à 3,3 %. On progresse extrêmement peu, aujourd'hui 500 000 demandeurs d’emplois sont des personnes handicapées."

Sur l'égalité salariale, les inspecteurs du travail seront mobilisés au rythme de trois contrôles par an et par contrôleur. Le 7 mars dernier, le Premier ministre a en effet annoncé de nouvelles mesures en faveur de l'égalité femmes hommes, avec l'obligation d'adopter un logiciel libre afin de mesurer les écarts salariaux et les résorber dans un délai de trois ans sous peine d'une pénalité équivalente à 1 % de la masse salariale. "J'attends le premier qui me dira qu'il ne faut pas le faire", s'est exclamée la ministre du travail. "Il faut travailler sur le plafond de verre organisationnel et la gestion RH et le plafond de verre intérieur. On aurait pu décider une sanction immédiate car il y a un non-respect de la loi ; mais on donne trois ans aux entreprises pour une mise en conformité avec l'obligation de prévoir une enveloppe de rattrapage salarial", a souligné Muriel Pénicaud.

Sur ce sujet, et sur celui du harcèlement et des violences sexistes, la ministre du travail a lancé ce jeudi un cycle de consultations de six semaines avec les partenaires sociaux.

Une taxation des contrats courts dès janvier prochain si les branches n'aboutissent pas

S'agissant de la réforme de l'assurance chômage, la ministre du travail a précisé de nouveau ce que le gouvernement comptait faire en matière de taxation des contrats courts. "Les partenaires sociaux nous ont dit : on va négocier par branche. Chiche !". Si les branches n'aboutissent pas à un accord, le gouvernement déposera dans le projet de loi formation et assurance chômage une disposition législative permettant de mettre en place par décret un bonus-malus dès le début de l'année prochaine.

Des branches sollicitées alors qu'elles sont en pleine recomposition. "Le calendrier a été accéléré", a insisté la ministre du travail. Rappelons en effet que l'une des ordonnances du 22 septembre 2017 a avancé d'un an le processus, fixant au 8 août le délai maximum laissée aux branches pour s'organiser elles-mêmes. Passé ce délai, le ministère du travail peut reprendre la main. La ministre a estimé qu'il faudra sans doute "faire des recoupements plus grands". "Entre septembre et décembre, nous aurons des discussions dans les secteurs où on estime que ça ne va pas assez loin".

Anne Bariet, Laurie Mahé Desportes et Florence Mehrez
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