Tirant les conséquences de la jurisprudence de la CJUE, la Cour de cassation juge qu'en l'absence d'une définition légale de la notion de fuite propre à la procédure « Dublin », les demandeurs d'asile en attente de transfert ne peuvent plus être placés en rétention.
Coup dur pour l’administration. Dans un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation juge qu’en l’absence de définition légale « fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite d’un demandeur de protection internationale faisant l’objet d’une décision de transfert », le placement en rétention prévu à l’article 28, paragraphe 2 du règlement « Dublin III » n’est pas applicable.
Prise en compte de la position de la CJUE
Constat de l’absence de définition de la notion de fuite en droit français
Dans sa décision, la Cour ne peut que constater que la notion de fuite n’est actuellement pas définie en droit interne.
Elle juge donc qu'en confirmant la prolongation de la rétention, « alors qu'en l'absence de disposition contraignante de portée générale, fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur [...], l'article 28, paragraphe 2, du règlement était inapplicable », le premier président a violé les articles 2 et 28 du règlement « Dublin ».
Remarque : comme le révèlent les moyens annexés à l’arrêt, la circonstance qu’il existe, dans le Ceseda, une définition de la notion de fuite propre aux obligations de quitter le territoire français ne peut combler ce vide juridique.
De fait, ni le législateur, lors de la réforme du droit d’asile adoptée le 29 juillet 2015, ni le Conseil d’État, qui oppose toujours aux demandeurs d’asile placé en procédure « Dublin » le fait qu’ils ont pris la fuite pour estimer que l’autorité administrative peut légalement proroger les délais de transfert (CE, 1er sept. 2017, n° 413842, v. ci-dessus), n’ont tiré les conséquences de cette exigence posée par le droit de l’Union, alors que, comme nous le signalions (v. Bull. n° 247-1, p. 20), le règlement est sans ambiguïté sur ce point.
Conséquences sur les pratiques administratives
Des conséquences certaines...
Au rang des certitudes, il faut d’abord relever que l’administration ne peut plus, aux termes de la décision de la Cour, procéder au placement en rétention tant que la notion de fuite n’est pas définie par le législateur de manière autonome.
... et des questions en suspens
Au-delà de ces constats, d’autres questions restent cependant posées quant à la portée de cet arrêt.
Tout d’abord, compte tenu de la position de la Cour de cassation, l’administration va-t-elle persister à prolonger, de fait, les délais de transfert au motif que les intéressés ont pris la fuite ? Et si tel est le cas, le juge administratif va-t-il, à l’instar du juge judiciaire, se conformer au raisonnement de la CJUE et censurer ces décisions, souvent implicites, prises au motif que les demandeurs se sont soustraits à l’exécution des mesures de transfert ?
Ensuite, alors que l’article 28, paragraphe 2 du règlement « Dublin III » subordonne le placement en rétention à la condition qu’aucune autre mesure moins coercitive ne puisse être effectivement appliquée, le législateur français a prévu qu’un demandeur d’asile en procédure « Dublin » peut être assigné à résidence, soit dès le début de la procédure de détermination, aux seules fins de mise en œuvre de la procédure, du traitement rapide et du suivi efficace de la demande d’asile (C. étrangers, art. L. 742-2), soit après que la décision de transfert a été notifiée (C. étrangers, art. L. 561-2).
Ainsi, alors que l’assignation à résidence pourrait constituer, pour l’administration, une voie de contournement temporaire de la décision de la Cour de cassation, la rédaction du paragraphe 2 de l’article 28 ne permet pas de savoir clairement si l’application de mesures moins coercitives est également subordonnée à l’existence d’un risque de fuite.
Une question qui pourrait faire l’objet d’une nouvelle saisine préjudicielle de la CJUE...
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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